Anatomie d'une vidéo à +30 millions de vues
L'art de construire un reportage qui ne laisse pas indifférent.
Temps de lecture ⏱ : 7 minutes.
Bonjour, aspirants maîtres de Youtube !
L’édition du jour est consacrée à une vidéo d’un documentariste indépendant qui a dépassé les 23 millions de vues sur sa chaîne anglo-saxonne, et 7 millions de vues sur sa chaîne francophone. Peu importe la langue, la vidéo est un carton. Voyons comment Ruhi Çenet s’y est pris.
🧑🏫 Ce que vous allez apprendre aujourd’hui :
Réussir le combo miniature / titre de la situation extrême et quasi irréelle ;
Crédibiliser le combo miniature / titre en début de vidéo grâce à un témoin ;
Pourquoi ne pas garder de suspens sur des éléments essentiels à la compréhension d’une vidéo ;
Comment mettre de l’entertainment même sur un documentaire très sérieux ;
Comment passer d’une description à une immersion ;
Comment faire rester le spectateur dans son univers via un long appel à l’action en toute fin de vidéo.
Je consacre chaque semaine beaucoup de temps sur ces analyses, la meilleure des récompenses pour me soutenir et m’inciter à continuer ce travail serait de partager cette édition à un proche !
Bonne lecture 👀
Zoom sur la vidéo de Ruhi Çenet
Résultats de la vidéo analysée :
+7 744 000 vues en 2 ans sur la chaîne française ;
126 000 likes et 2964 commentaires, soit un taux d’engagement de 1,7% (hors nouveaux abonnés).
Analyse de la miniature de la situation extrême et quasi irréelle
Bloc 1 - Le personnage principal
Comme souvent répété dans de précédentes éditions, l’oeil humain est naturellement attiré par un autre visage humain. Quand un visage est placé au premier plan, notre oeil va vers lui en pilote automatique. Ce qui frappe ici, c’est que l’homme a les cils, sourcils, la barbe et les cheveux gelés, avec un manteau de fourrure caractéristique d’un froid glacial.
Bloc 2 - Le personnage secondaire
Le personnage qui se trouve au second plan est une forme de confirmation, voire de surenchère : sa tenue est encore plus synonyme de froid extrême, avec une barbe & moustache plus gelée que le personnage au premier plan, et un manteau couvert de neige. Il semble être en pleine tempête de neige.
Bloc 3 - Le décor avec indication qui semble irréelle
En arrière-plan, on voit des voitures complètement recouvertes de glace. Idem pour les arbres. La température indiquée est de -71°C, ce qui semble totalement irréel et exagéré.
Le doute est installé dans la tête du potentiel spectateur : est-ce réellement possible ? Ce lieu existe-t-il vraiment ? Si oui, où ?
À retenir pour vos futures vidéos💡
Composition de la miniature :
Bloc 1 (centre / droite) - Le personnage principal.
Bloc 2 (haut / droite) - Le personnage secondaire.
Bloc 3 (gauche / arrière-plan) - Le décor avec indication qui semble irréelle.
Le choix du titre
Voici le titre en question :
Une Visite Dans la VILLE la PLUS FROIDE du Monde (-71°C) YAKUTSK / YAKUTIA
Voyons comment il fonctionne et quels sont ses liens avec la miniature.
Une visite → Cette première partie de titre révèle le format de la vidéo : il s’agit d’une visite, ce qui fait comprendre que le Youtuber s’est rendu sur place, comme le laisse entendre la miniature. Il ne raconte pas une histoire à distance mais nous amène avec lui sur le terrain.
Dans la VILLE la PLUS FROIDE du Monde (-71°C) → On a ici une précision qui vient compléter la miniature : le décor extrême en question se trouverait dans la ville la plus froide du monde. On note l’utilisation des majuscules pour appuyer sur les termes clés : VILLE / PLUS FROIDE du Monde. Le -71°C qui apparaît déjà en miniature est répété ici pour insister et faire comprendre que ce n’est pas une exagération.
YAKUTSK / YAKUTIA → Pour finir, on a la révélation du lieu en question, même si ça n’évoque probablement pas grand chose à la plupart des gens. À mon sens, le nom de la ville est surtout ici pour confirmer une nouvelle fois que le lieu est réel.
Quand on a une miniature qui semble aussi extrême, on voit donc que la fonction du titre est principalement de rassurer le potentiel spectateur sur le contenu de la vidéo : comme pour nous dire “ce n’est pas du clickbait, vous pouvez y aller en confiance”.
💡 Récapitulatif : Quel template de miniature + titre pouvez-vous en déduire pour maximiser le taux de clics de vos propres vidéos ?
Voici donc comment vous pouvez réussir le combo miniature / titre de la situation extrême et quasi irréelle :
À vous de jouer :
Autres exemples de titres qui exploitent le même mécanisme (à imaginer avec une miniature suivant le modèle analysé et un concept cohérent) :
Un Repas Dans le RESTAURANT le PLUS CHER du Monde (20K€) [NOM DU RESTAURANT]
Une Visite Dans la VILLE la PLUS CRIMINELLE du Monde (4000 meurtres) [NOM DE LA VILLE]
Une Journée Dans l’ENTREPRISE la PLUS HEUREUSE du Pays (0 démission) [NOM ENTREPRISE]
etc.
Passons maintenant à ce qui a retenu mon attention au niveau de la structure de la vidéo pour maximiser le watchtime et la rétention du spectateur.
Les clés de rétention : anatomie d’un documentaire qui surperforme dans toutes les langues
Il y aurait bien sûr énormément à dire au niveau de la structure de la vidéo, minute par minute. Pour attendre une telle performance (+30 Millions de vues toutes langues cumulées), rien n’est laissé au hasard. Voici les quelques clés de rétention qui me semblent essentielles et dont vous pouvez vous inspirer pour vos propres vidéos.
1. Crédibiliser le combo miniature / titre en début de vidéo grâce à un témoin ;
Le combo miniature / titre étant extrême, il est d’autant plus crucial de crédibiliser le sujet de la vidéo dès les premières secondes. Le spectateur doit avoir rapidement la confirmation qu’il ne s’est pas fait flouer et que notre protagoniste est réellement dans des conditions de froid extrême.
Pour apporter cette confirmation dès les 10 premières secondes, Ruhi fait appel à un témoin dont on sait qu’il ne ment pas : il s’agit de Siri. Par cette approche originale, Siri nous confirme d’entrée que le narrateur se trouve dans un lieu où il fait -47°C, voix + image à l’appui.
Cette confirmation aurait pu être faite par un autre biais : montrer un plan d’un thermomètre, demander à un passant lourdement vêtu quelle température il fait actuellement, etc. Mais l’utilisation de Siri est intéressante : ça parle à tout le monde et on sait que les informations y sont exactes.
On ne retrouve pas pour l’instant le -71°C de la miniature, mais le froid extrême est confirmé. C’est le plus important pour maintenir la courbe de rétention au plus haut.
2. Ne pas garder de suspens sur des éléments essentiels à la compréhension de la vidéo
Le titre révèle déjà la localisation de la vidéo : Ruhi doit donc délivrer rapidement à ce sujet là, au risque de voir les spectateurs curieux quitter la vidéo pour aller faire leur recherche Google Maps… au risque de ne pas revenir ensuite sur la vidéo. L’attention vaut très cher et ne peut pas être perdue, même temporairement. Ruhi s’exécute donc dès la 32 ème seconde :
Puis il donne légèrement plus tard la vue carte qu’on attendait :
Une fois cette curiosité satisfaite, les spectateurs sont déjà engagés dans la vidéo et l’enjeu se déplace : il s’agit de découvrir comment les gens s’adaptent à cette température, quel impact ça a sur leur quotidien.
3. Comment mettre de l’entertainment même sur un documentaire très sérieux ;
Sérieux ne veut pas forcément dire ennuyeux. Ruhi utilise des expériences qui parlent à tout un chacun pour illustrer les conditions extrêmes dans lesquelles il se trouve. Et puisqu’il s’agit d’une vidéo, avoir des propos imagés, c’est bien, mais les montrer en action c’est encore mieux.
Il va par exemple lancer de l’eau bouillante (100°C) en l’air, afin de nous montrer que la température est si froide qu’elle transforme instantanément l’eau bouillante en cristaux de neige.
Un autre exemple : il laisse une banane en extérieur quelques minutes, puis nous montre ensuite q'u’il peut s’en servir comme d’un marteau. Littéralement.
Le fameux “Show, don’t tell”, cher à Sandra Gerth.
4. Passer d’une description à une immersion ;
Tout le début de la vidéo est très descriptif, avec le narrateur qui nous livre ses impressions au sujet de ce qu’il découvre à Yakutsk. À partir de 7:12, il va à la rencontre d’habitants de la ville afin d’échanger avec eux sur leur quotidien.
À partir de cette rencontre, l’échange avec cette habitante au manteau rouge va devenir le fil conducteur de la vidéo.
Il va jusqu’à l’accompagner creuser un trou dans la glace pour que les vaches puissent boire. On a donc le côté descriptif dans un premier temps, avant de rendre la vidéo de plus en plus concrète grâce à cette immersion aux côtés d’une habitante locale.
5. Faire rester le spectateur dans son univers via un long appel à l’action en toute fin de vidéo
J’ai souvent parlé ici de l’importance des écrans de fin pour rediriger le spectateur qui a vu la vidéo jusqu’à la fin sur une autre de vos vidéos : si la personne est encore là après 15 minutes, il y a de fortes chances qu’elle soit intéressée par une autre vidéo similaire sur votre chaîne.
La particularité de cette fin de vidéo est qu’elle ne se contente pas de suggérer une autre vidéo : elle fait le teasing de la vidéo à suivre sur la chaîne pendant 40 secondes, ce qui est énorme (à partir de 14:43). Il explique que la prochaine vidéo sera à 100% liée à la vidéo qu’on vient de voir, et qu’il s’agira de 8 expériences en lien avec le froid et la glace. Sur les 8 expériences, il en nomme 3 en montrant de courts extraits :
Des oeufs et des nouilles gelées ;
Des vêtements mouillés ;
Du bowling avec des ballons d’eau.
Au lieu de simplement inciter à s’abonner, il donne beaucoup d’éléments concrets sur ce qui arrive pour pousser les spectateurs à l’abonnement.
Pour regarder la vidéo entière analysée dans cette édition :
À vous 👇
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À la semaine prochaine,
Loïc